Réflexion...

                             English version after the visual "BOWIE ANIMA"


                                                        Le Pouvoir du Créateur


Etranges valeurs que celles véhiculées au quotidien à travers tout ce que le système capitaliste peut exploiter...

Le "Meilleur Album de l'Année", le "Meilleur Interprète Masculin...", le "Meilleur Clip de l'Année"... Le talent musical se mesure aux chiffres comptabilisés par l'industrie du disque, et le bouillon calamiteux qui en découle alimente le vide au cœur de la culture populaire...

Ce brouillard de fumée parviendrait presque à étouffer les étoiles, les vraies...

Mais la magie du créateur finit toujours par élever nos pensées au-dessus de cette pollution. Ainsi, l'Étoile Noire de David Bowie éclate ses particules lumineuses sur la planète au point que sa mort se révèle être une résurrection pour nos esprits hermétiques, éventuellement rendus sourds et aveugles.

Croyez-vous que ce soit juste un effet médiatique si une grande part d'entre nous publie sur son blog ou sa page un hommage à David Bowie, même si d'ordinaire ce dernier était quasiment étranger de notre vie ? Je ne le crois pas...

Je pense au contraire que cette avalanche de réactions post-mortem fait partie intégrante de son art.

Chez Bowie, la musique est un moyen, non une fin en soi, un matériau au même titre que l'image fixe ou mouvante, l'expression corporelle et scénique, le maquillage, les mots... Tout cela fait corps...

Sa vie médiatique est également un support créatif. Ce que nous apprend la mort de l'homme (cet inconnu, finalement) c'est que la vie de l'artiste ne s'arrête pas à cette étape ultime de "l'être", elle la surpasse.

Je ne fais pas référence aux souvenirs enregistrés dans la mémoire collective, et que certains d'entre nous découvrent aujourd'hui seulement, perpétuant ainsi leur héritage... Je ne fais pas référence à notre action d'entretenir la mémoire de l'artiste...

Je parle de la création comme principe actif, une activité organique autonome, qui perdure et poursuit son développement au-delà de la mort de l'être. Cette mécanique de mouvements perpétuels générée par Bowie - orchestrée en partie - et mise en exergue par la disparition de l'homme est, me semble t-il, le fondement de son art.

Concrètement, elle incarne le pouvoir artistique agissant sur nous, cette force qui nous réveille, nous dérange, nous secoue, nous questionne, nous fait prendre conscience de notre façon d'aborder notre propre "existence"...

La mort de Bowie, telle que l'artiste (sciemment mis en sourdine) l'a lui-même façonnée, sonne comme un chant de résurrection aux oreilles du monde.

"Blackstar est son testament" dit-on. Pour moi elle est plutôt sa croix...

De sa vie réelle et à la fois rêvée dont Bowie a fait son œuvre, il en résulte en ce sens une dimension christique à l'image décalée... Et ceci ne me paraît pas paradoxal pour une personne détachée d'une forme unique de religion, en l'occurrence chrétienne... La mort de l'artiste établit ainsi les lois de sa propre "Création"...

La recherche constante d'identité - créatrice - ne reflète t-elle pas, à travers la multiplicité des visages du personnage, l'image d'un dieu absent ou perdu ? Que devient l'homme sans dieu s'il ne l'invente pas ? Que devient Dieu sans cet homme ?

Aujourd'hui, 15 janvier 2016, j'ai écouté le seul CD de David Bowie que j'ai, "Heroes". Je devais avoir une trentaine d'années lorsque je l'ai acheté. J'ai alors découvert que Bowie, c'était aussi "Sense Of Doubt" dont les quatre premières notes, comme frappées du destin des quatre fameuses notes de Beethoven, m'ont surtout rappelé la couleur ténébreuse des Etudes d'Exécution Transcendante de Liszt, telle "La Gondole Lugubre n°2"...

Pour moi qui émergeais d'une décennie musicale exclusivement classique, "Sense Of Doubt" et les morceaux suivants se sont révélés être des passages inattendus m'incitant à ignorer (je le comprends maintenant) les cloisons et les échelles de valeurs pré-fabriquées des genres musicaux, tout comme celles des genres artistiques et des genres tout court.

Il est amusant de constater à posteriori que mon retour aux sources de la pop rock ait emprunté, presque par accident, la voie de David Bowie... Comme si j'avais eu besoin de passer par ce chemin marginal, détourné et obscur... Pour finalement n'y revenir que de longues années après.

Bowie a toujours été là, en attente, comme un fantôme, omniprésent...

A l'époque des tubes plus commerciaux des années 80, je n'étais pas prête à aborder ce phénomène. Quelque chose me fascinait autant que cela me rebutait. Quelque chose de glaçant... Il me faisait un peu peur, une peur qui ne s'explique pas et que je ne m'explique toujours pas vraiment... La sensation d'une humanité intellectualisée peut-être, la dissolution de "l'être" à travers "l'apparaître"...

Aujourd'hui, seulement, je me sens suffisamment mûre pour accepter son œuvre et comprendre "l'apparaître" comme étant le support de "l'être", le lieu d'expression de l'être et la (seule ?) façon d'exister de l'homme...

Auparavant je n'y étais pas prête parce que j'abordais Bowie comme un "chanteur pop" et non un "artiste avant-gardiste".

Il se pose presque comme un "contre-chanteur" en contrecarrant la mélodie pour lui donner une dimension autrement expressive. Il tord la mélodie, triture sa voix, déforme le son... En ce sens, mais pas seulement, il est un "plasticien". J'aime ce terme qui évoque une idée de malléabilité du matériau, tel qu'il soit.

Bowie se sert du matériau pop-rock comme d'un moyen pour "se réaliser" : musicien, performeur, acteur, mime, concepteur (d'images...), peintre (aussi en matière de maquillage...), et pourquoi pas chanteur finalement... C'est un artiste complet, un créateur comme il n'en existe pas d'autre... Un Créateur à son image... ?

Au lieu d'être une fin, sa mort se révèle comme le début d'une prise de conscience certes personnelle mais aussi - j'aimerais que ma vision soit juste - une prise de consciences multiples dont l'avenir nous dira l'importance de son étendue et de son impact....

La force de Bowie est de me faire découvrir aujourd'hui à quel point sa dimension artistique - astrale - a toujours été dans mon esprit, en attente d'éclosion.

Le pouvoir de l'artiste, n'est-il pas de s'accaparer nos esprits pour y déployer son énergie créatrice, projetée dans un rêve d'éternité, afin qu'elle survive à son auteur... ?

                              I wish you could swim [je souhaiterais que tu nages]
                              Like the dolphins [comme les dauphins]
                              Like dolphins can swim [comme les dauphins savent le faire]


    Delphine Groux, le 15 janvier 2016

    PS du 20-01-2016:
    David Bowie se définissait comme étant un "observateur" et "peut-être... un conceptualiste".


Remerciements:

Merci à mes amis Agnès, Anne, Cathy, Emmanuel, Jay (& Yann), Nathalie, Sonia, pour leur aide à la relecture.

Un très grand merci à Michaël pour sa participation active à la traduction ainsi qu'à Emmanuel.



BOWIE ANIMA 

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 (Détails de l'image en bas de page)

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                                                         The Power of the Creator


What strange values that those daily conveyed by all that capitalism can exploit...


The "Best Album of the Year", the "Best Male Pop Vocal Performance" , the "Best Music Video"... Musical talent is evaluated through the profit made by the disc industry, and the resulting calamitous broth generates a vacuum within the very pop culture... 


This smog could even blur the stars, the true ones...


But, in the end, the creator's magic always results in raising our thoughts above this pollution. Thus, David Bowie's Black Star is now bursting into light particles all over the planet turning his death into a resurrection to our unreceptive wits possibly rendered deaf and blind.


Do you really consider so many among us paying tribute to David Bowie as nothing but a media-staged event, even though Bowie was almost unknown to us ? I do not think so...


I, on the contrary, do believe that these so many post-mortem reactions belong to his very art.


Bowie may have considered music as a material, a living means, not as an end. Just as much as the still or moving picture, physical or theatrical expressions, make-up, words represent a whole material. 


His life as an artist is also used as a medium. We are taught through the merely unknown man's death that the artist's life doesn't stop with this final step of the 'being' but outlives it.


I 'm not refering to the recorded memories, that legacy some of us have just discovered, a legacy outliving in the masses... I am not talking about our very efforts to honour the memory of the artist...


I am talking about creation as an active substance, an autonomous organic activity enduring and keeping on growing beyond the being's death. This everlasting driving mechanism generated by Bowie - partly  orchestrated - and highlighted by the man's death, appears to me as the very foundation stone of his art.


It concretely embodies the artistic power acting on us: the very potency that awakes, bothers, shakes, makes us aware of way we deal with our own existence.


Bowie's death,  as the artist (purposely on the quiet) himself staged it, resounds as a resurrection song to the world's ears.


"Blackstar is his last will" they say. To me it's rather his cross...


Out of both his real and dreamt lives, Bowie created a work leading to an eccentric a christlike dimension... Which doesn't seem that paradoxical to me, considering that he was free himself from a unique form of religion (the Christian one)... The artist's death therefore establishes the laws of its own 'Creation'...


Doesn't the unceasing - creative - search for identity mirror, through his many faces, the image of an absent or lost God? What becomes of the godless man if he can’t invent his own god ? What becomes of God without that man?


Today, I have listened to ‘Heroes’, the only David Bowie’s CD I have. I guess I was around 30 when I bought It. I realised then that Bowie was also ‘Sense of Doubt’ whose first four notes, hit by destiny much like Beethoven’s famous first four notes, reminded me of the dark colour of Liszt’s Transcendental Etudes such as Lugubre Gondola n°2…


To someone like me, whose sole listening in the past decade was classical music, "Sense of Doubt' and the next tracks turned out to emerge as unexpected ways, pushing me to ignore (I can understand why now) the walls and scales of the prefabricated values of musical or artistic genres, and of any genre at all.


And it's quite funny to realise afterwards that my return to pop-rock's roots went, almost by accident, across the very way David Bowie took... As if walking this marginal twisted obscure path was a necessity... To eventually come back to it but many years later.


Omnipresent, like a ghost, Bowie has always been there...


When the commercial hits of the 1980's were almost everyday occurrences I was not ready to approach this phenomenon. I was as fascinated as I was discouraged by it. Something thrilling... He was a kind of scary for me... It was like an unexplainable fear that  I still haven't been able to explain really. Maybe coming from the sense of an intellectualized humanity or from the dissolving of the 'being' through the 'appearing'...


Only today can I feel mature enough to accept his work and understand that the 'appearing' stands as the very foundation of the 'being', the ideal forum of the being and the (only?) way for Bowie, as a man, to exist...


I was not ready before because I used to consider Bowie as a "pop singer" and not as an "avant-garde artist".


He almost asserted himself as a "non-singing artist" hindering his melodies to give them a much more expressive dimension, twisting them, distorting his voice and distorting the sounds... That's how, for one part, he is a visual artist, a "plasticien". I love this French term evoking the malleability of whatever material you are using. 


Bowie uses the pop-rock material as a means to fulfill himself: as a musician, a performer, an actor, a mime, a designer, a painter (if we consider his make-up), and why not eventually as a singer... He is a complete artist, a creator like there is no other... A Creator in his own image...?


Rather than an end, his death reveals itself as the beginning of a personal realization but also - and I'd like my vision to be right - a realization with multiple echos the importance and the effects of which will only be seen in the future...


Bowie's strength lies in his ability to make me realise today how much his artistic - astral - dimension has always been in my mind, waiting to hatch.


Isn't the artist's power to absorb our minds to display his creative energy in a dream of eternity so that it outlives its author...?

                                                I wish you could swim
                                                Like the dolphins
                                                Like dolphins can swim



    Delphine Groux, January 15th 2016

    PS 20-01-2016: David Bowie defined himself as an "observer" and "maybe... a conceptualist".



Thanks to my friends Agnès, Anne, Cathy, Emmanuel, Jay (& Yann), Nathalie, Sonia, pour leur aide à la relecture.

Many thanks to Michaël for his active participation in translation as well as Emmanuel.

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DÉTAILS DU VISUEL 








7 commentaires:

Sarde'in a dit…

Bravo, c'est un travail colossal, qui mêle l'écriture à l'art graphique! Je suis touchée de me voir citée. C'était un plaisir de découvrir ton texte en avant-première! Ne lâche pas tes talents, ils sont précieux. Un gros bisou!

Cocco a dit…

Merci infiniment pour cette adorable commentaire ma belle et fidèle visiteuse... :-)

Agnès a dit…

Je vais dire pareil : pfiou quel travail !!

C'est un texte très dense. Il mériterait que je connaisse un peu plus l'artiste (dont je ne sais...rien)
et d'écouter ses oeuvres... Mais comme je t'ai dit, moi je l'ai apprécié dans le film Lost Highway, dans ce générique de folie, seul sur une route, la nuit. C'est à peu près tout...

J'aime beaucoup ta comparaison avec le plasticien... et ton image illustre bien ce que tu as voulu faire passer dans ce texte !

Bravo Cocco et merci à toi de m'avoir fait participer au prémices du texte !


Cocco a dit…

Je crois que tu as été la première à réagir sur mon texte et tu m'as bien aidé à déceler les zones maladroites du premier jet... Alors c'est moi qui te remercie Agnès.

Je pense qu'il n'est pas nécessaire de connaître l'artiste pour aborder le texte. Moi même je le connaissais très peu lorsque j'ai commencé à écrire ; ce que j'ai découvert par la suite m'a révélé parfois mon propre texte, ce qui est assez fascinant je dois dire !

Quand à mon image, je n'ai pas cherché à illustrer le texte ; elle s'est imposée. Mais si elle fait sens avec le texte, c'est encore mieux.
Voilà ce que j'ai trouvé aujourd'hui :

"INTERVIEWER:
You have said that you can’t be a good artist unless you have a very well-developed feminine side.

Jim HARRISON:
That’s largely unaccepted but absolutely true. It comes from an idea in the area of psychology. The work of a man named James Hillman, an unbelievably brillant man, has helped me to understand certain things. He asks, what have we done with our twin sister who we abandoned at birth? A man usually gives up the feminine because of our culture."

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Unknown a dit…

coucou Coco
Belle réactivité pensée, beau témoignage aussi sur cet artiste complet qui a traversé notre jeunesse.
Et pour répondre à ta question affirmation... juste pour la développer de façon personnelle;je pense que le pouvoir de l'artiste s'est de ne pas en avoir, mais d'être directement relié à la réalité suprême avec une conscience pure. Il est en osmose vibratoire et se nourrit des rencontres, des autres créateurs, des expériences de la vie de son besoin de transformer. Ainsi avec tout son être il a besoin de créer. Il façonne et transforme un monde fait de présence vivante.
"déployer son énergie créatrice, projetée dans un rêve d'éternité" je pense que l'être éveillé se réalise. La création est une pure conscience, une intelligence qui s'illumine elle même. Par sa simple volonté, elle peut créer activement d'innombrables mondes. Une chose ne peut sortir que d'une autre. L'existence ne peut pas cesser d'être. La création est une joyeuse expression personnelle de l'UN.
Ainsi Bowie, grand créateur retourné dans l'essence de l'univers entier a jouer son rôle du "pouvoir du créateur" de même que ce monde est un divertissement ou un jeu divin de la réalité suprême (Absolu).
Bisous
Marie
http://vanidevi.canalblog.com/

Cocco a dit…

Merci beaucoup Marie pour cette personnelle interprétation en réponse à mon texte... Je reconnais bien dans tes mots la créatrice qui est en toi, et plus encore... ;-)

"l'être éveillé se réalise" dis-tu si joliment... Tout à fait!

Il y a quelque chose de théâtrale dans tes derniers mots... Le monde serait une sorte de mise en scène où l'artiste joue un rôle comme un personnage essentiel ? Pourquoi pas... ;-)

Bisous Marie